Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monseigneur, nous avons advizé, pour le service du roy
2et votre et bien du publique, vous faire entendre en toute diligence comme
3hier matin les habitans de Mirabel, noz voisins à troys lieues près,
4prindrent par suspçon ung messager, lequel incontinent ilz nous ont
5envoyé, et le tenons en prison seure, l’ayantz interrogé par le menu,
6et ceulx qui nous l’ont amené. Nous trouvons qu’il a esté saysi portant
7une lettre pliée fort menu, d’une façon exquise et singulière, dans ung
8petit morceau de cire verd en forme d’une ollive. Il a confessé que le
9sieur de Pierregourde la luy a baillée pour la porter et randre au sieur de
10Montbrun, avec exacte deffence ne la bailler à aultre que à luy.
11Il est vray, quant à la coulpe ou innocence dudict pourteur, qu’il nous
12a dict qu’il ne scavoit que dans ladicte cire y heust aulcune lettre.
13Toutesfois, atandu qu’il est homme de trente ans, la suspicion et
14présumption est grande contre luy qu’il scavoit qu’il y heust lettre
15dedans ; dont estans en doubte s’il y aura lieu de pugnition ou
16de l’y envoyer sans peyne, n’y avons voullu procéder, remectant
17le tout à ce que vostre bon plaisir sera qu’il soit faict dudict
18pourteur. Et quant au faict de ladite lettre, il nous semble qu’elle
19contient ung grand discours et des intelligences fort haultes
20pour les affaires qui sont à présent en France en contreverse entre les deux
21religions, d’aultant qu’il y est parlé et de l’Alemaigne et de
22l’Angleterre et des choses qui se sont comises autour de Tholoze
23et près de nous freschement, si que le tout descovre quelque grand
24complot et une délibération propencée de longue main, laquelle se
25doyve bien tost exéquter. A ceste cause, Monseigneur, et à ce que
26le tout soit mieulx veu à l’oeil par vous, nous vous envoyons
27[v] originallement ladite lettre avec la mesme cire de sa couverture,
28signée Mellet, sans date, s’adressant à « monsieur le catholique »
29sans aultre expression, fors celle que ledict pourteur nous a
30constament dict par sesdictes responces et répétitions qu’elle se
31dresse audit sieur de Montbrun et non à aultre. Nous vous
32envoyons aussi sesdites responces et répétitions, par lesquelles,
33Monseigneur, verrez amplement le tout, qui sera cause que
34ne ferons ceste plus longue fors que pour vous supplier
35très humblement que votre bon plaisir soit nous escrire sur le
36tout ce qu’il vous plairra qu’on fasse dudit pourteur, et comme
37nous avons à nous conduyre en ses affaires, estans confrontez
38comme nous sommes. Cepandant, n’avons voullu obmetre vous
39faire entendre comme despuis peu de jours que ceulx qui de longue
40main tenoyent le party de la prétendue religion en ceste ville,
41et qui estoyent les plus opiniastres, se sont catholizés,
42mais nous sommes bien en peyne si nous y debvons fier. Nous
43faisons bonne garde, tant qu’il est possible.
44Monseigneur, nous supplions le Créateur qu’il vous donne,
45en bonne et parfaicte santé, très heureuse et longue vie, avec
46augmentement de votre estat, honneurs et dignitez. Du Buys, ce
47XXVIme novembre 1572, en diligence.
48Voz très humbles et très obéyssantz serviteurs
49Pierre du Montguers, ancien advocat,
50J. de Grosse Pierre, procureur du roy.